François et François, la toute première foi
François Hollande visite l'église Sainte-Anne, en compagnie de religieux, le 18 novembre 2013 à Jérusalem. (Photo Heidi Levine. AFP) |
ANALYSE
Au Vatican vendredi, Hollande devrait éviter les sujets qui fâchent avec l’adresse d’un agnostique élevé chez les catholiques.
Voilà
une vraie belle affiche : François et François. Le pécheur et le
pontife. L’agnostique et le souverain de la famille catholique. Le père
du mariage pour tous et le Saint Père, grand soutien du mouvement
anti-avortement. Ce matin au Vatican, François Hollande a rendez-vous
avec le pape François pour un tête-à-tête qui ne devrait pas durer
beaucoup plus qu’une trentaine de minutes.
Les
pommes de discorde entre les deux hommes ne manquent pas : un mariage
homo qui n’en finit pas de faire hurler une France réactionnaire, une
crispation sur l’ajustement de la loi sur l’IVG et un débat en devenir
pour modifier la loi Leonetti sur la fin de vie. Pourtant, à
l’Elysée, on estime que les sujets sociétaux ne devraient pas dominer
l’échange. Quant à la situation personnelle de François Hollande, elle
serait hors sujet. «S’il doit y avoir un sujet de société évoqué, ce sera probablement celui de la fin de vie, note un conseiller du Président. Car, sur l’IVG et le mariage pour tous, le pape a déjà pris la peine de s’exprimer publiquement.»
Les deux hommes auront probablement à cœur d’aller d’abord là où ils se
savent en communion : les dossiers diplomatiques, comme la Syrie ou la
Centrafrique, le réchauffement climatique ou les questions
d’immigration…
Latin.
Opposer les deux François serait évidemment tentant, mais très
réducteur. En dehors de leur empathie respective, il y a dans les
récentes prises de position de ce pape de quoi remplir d’aise
l’ex-candidat socialiste. Comme le fait remarquer Bernard Poignant,
maire de Quimper et conseiller du chef de l’Etat : «Le pape a eu des mots contre l’argent beaucoup plus durs que ceux de Hollande dans son discours du Bourget.»
Surtout, le chef de l’Etat n’est pas en terrain étranger. Il connaît
très bien cette France catholique pour en avoir été une ouaille.
Baptisé, ancien élève des frères au collège Jean-Baptiste-de-La-Salle de
Rouen, il a suivi une éducation religieuse stricte jusqu’à la
troisième. Première communion, profession de foi… le chef de l’Etat
connaît son latin. Lorsque la famille Hollande déménage à Paris, c’est
un moment douloureux pour l’adolescent, mais aussi une rupture
(1).
François Hollande laisse derrière lui son éducation religieuse. Ses
quatre enfants ont été baptisés, mais le couple Royal-Hollande ne se
marie pas. «Il n’est pas du tout dans une incroyance revendiquée, mais dans un processus de décroyance, comme beaucoup de Français»,
décrypte le journaliste Samuel Pruvot, qui a consacré un livre à cette
question
(2). Processus dont l’aboutissement est encore incertain.
Hollande
le pudique n’évoque jamais ces questions, y compris avec ses proches.
Jean-Pierre Jouyet, l’actuel patron de la BPI et ami de trente ans du
chef de l’Etat, se souvient d’une unique conversation. C’était au début
des années 2000, pendant les vacances d’été. Les deux amis sont en
voiture sur les routes du Haut-Var. Pour une fois, Hollande s’épanche
sur ce temps qui file entre les doigts. Et confesse croire à quelque
chose dans l’au-delà. Ce sera la seule fois. «Comme Mitterrand, il croit aux forces de l’esprit, il sent quelque chose au-dessus», assure Jouyet.
«Message». Étrangement, le refoulé catholique de François Hollande va le rattraper
dans sa vie politique. Quand, au milieu des années 80, il crée les
«transcourants», il s’entoure de vrais cathos de gauche qui deviendront
tous des intimes : l’avocat Jean-Pierre Mignard, aujourd’hui codirecteur
de la rédaction de Témoignage chrétien, l’actuel ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et Jean-Pierre Jouyet. «Pour lui, la religion est d’abord un fait social très structurant de la société française», confie Mignard.
Politiquement,
il en a fait une incroyable synthèse. Son fief, la Corrèze, est l’un
des départements les plus déchristianisés de France. Mais, à la
présidentielle, il réalise parmi ses plus beaux scores en Bretagne,
terre du catholicisme social. «Mais attention, prévient Poignant, il
n’a jamais abordé son électorat sous un angle confessionnel. Il sait
que l’électorat catholique n’est pas homogène et très clivé.» A l’Elysée, on reconnaît que cette visite tombe à point : «Si
cela peut envoyer un message d’apaisement aux Français qui ont pu se
sentir brusqués par le mariage pour tous, c’est très bien, mais ce n’est
pas le but premier.» D’ailleurs, le divorce entre Hollande et les catholiques serait à relativiser. «La
chute dans les sondages du Président n’est pas plus forte chez les
catholiques pratiquants que dans le reste de la population», assure Jérôme Fourquet, de l’Ifop.
Cet été, dans une étude publiée dans Pèlerin,
ils étaient encore 30% à se dire favorables au mariage et à l’adoption
gay. Et aujourd’hui, ils restent une majorité à vouloir un
assouplissement de la législation sur la fin de vie.
source Libération
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire